Société Française d'Exobiologie

Le rayonnement solaire dégraderait-il la matière organique à la surface de Mars ?

UV-olution, une expérience de photochimie en orbite basse autour de la Terre, ou comment déterminer la photostabilité de la matière organique à la surface de Mars ?

Des composés organiques et des minéraux, en lien avec les matériaux présents, notamment sur la surface de Mars, ont été soumis au rayonnement  du Soleil lors du vol d’un satellite russe autour de la Terre. Les chercheurs du Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques, qui pilotent cette expérience, ont démontré que les composés organiques étudiés, dont un acide aminé, étaient photodégradés par le rayonnement UV d’une façon importante. Ainsi sur le sol martien, qui est soumis à ce type de rayonnement UV, la concentration des composés organiques complexes pourrait être beaucoup trop faible pour être détectée avec les moyens d’analyse utilisés actuellement.

Le principe de l’expérience UVolution a consisté à exposer, dans l’espace, au rayonnement UV solaire durant 12 jours, au mois de septembre 2007, des composés organiques et des minéraux. L’objectif était de mieux comprendre l’évolution chimique conduisant à l’origine de la vie, et aussi nous aider à savoir si la vie a pu apparaitre sur la planète Mars. UVolution était l’une des expériences à bord d’un module d’exposition de l’ESA : BIOPAN, lui-même situé à l’extérieur d’une capsule automatique russe appelée Foton, et naviguant à 300 km d’altitude. Les composés d’intérêt astrobiologique qui ont été exposés ont un lien direct avec les comètes, les météorites carbonées, Mars et Titan. Cette expérience était pilotée par des chercheurs  du Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques (LISA).

Pour Mars, il s’agissait d’étudier l’évolution de composés organiques présents ou susceptibles d’être présents à la surface de la planète rouge, soumis aux radiations UV. En effet l’environnement « agressif » de la surface de Mars et notamment le rayonnement UV qui l’atteint, ont été proposés pour expliquer qu’aucun composé organique complexes n’a pu être détecté par les sondes de la NASA Viking 1 et 2 dans les années 70. « Cette absence, dans les limites de détection des instruments, est a priori inattendue, déclare Fabien Stalport, astrochimiste ayant travaillé sur les résultats de UVolution au LISA, car même si aucune chimie prébiotique ou activité biologique n’a émergé sur Mars, des molécules organiques en provenance du milieu interplanétaire devraient être mélangées dans le régolithe martien ».

Plusieurs expériences de laboratoire ont donc eu pour objectif de déterminer l’évolution de différents composés organiques soumis à un rayonnement UV proche de celui de la surface de Mars (dont l’expérience MOMIE, Martian Organic Material Irradiation and Evolution, développée au LISA). Les expériences de laboratoires basées sur l’irradiation par rayonnement UV sont un bon support pour de telles études, car il est possible de contrôler certains paramètres tels le flux et le spectre des sources UV. Cependant il n’existe pas, à ce jour, de sources UV qui reproduisent parfaitement le spectre UV à la surface de Mars. Or le rayonnement UV qui atteint la surface de Mars et celui émis directement par le Soleil seraient très similaires pour des longueurs d’ondes supérieures à environ 200 nm. Ceci donne donc une importance particulière aux expositions dans l’espace, compte tenu du fait que la représentativité des conditions « naturelles » pour une expérience quelle qu’elle soit est un point crucial.

« Quatre acides carboxyliques susceptibles d’être présents sur Mars, dont un acide aminé, ont été sélectionnés pour l’expérience UVolution, indique Fabien Stalport. Ils ont été exposés directement au rayonnement UV solaire ou bien « protégés » sous une couche minérale dont la composition chimique et minéralogique est très proche de celle de la poussière à la surface de Mars ». Bien que la sonde russe ait séjourné 12 jours en orbite basse, elle tournait librement autour de son axe longitudinal et les échantillons n’ont pas été exposés continument au rayonnement UV solaire. Le temps de photolyse intégré durant l’expérience a été estimé à environ 29 heures. Après ces 29 heures d’irradiation discontinues, tous les composés ont été partiellement photodégradés. La photodégradation des échantillons en présence de l’analogue de sol martien a même été plus importante, et un effet combiné du rayonnement UV et de certains minéraux, tels que des oxydes, serait à l’origine de cette accélération. Par conséquent la présence d’acides carboxyliques risque d’être fortement compromise dans les premiers centimètres de la surface de Mars (zone de recyclage du sol et d’exposition au rayonnement UV). « En première approximation,la concentration des molécules que nous avons étudiées devrait être inférieure à la limite de détection actuelle des instruments qui pourraient les rechercher à la surface de Mars. Il faut donc chercher d’autres composés plus stables photochimiquement, qui peuvent d’ailleurs être les produits formés par la photolyse des premières molécules. C’est d’ailleurs tout le sens des travaux qui sont en ce moment conduit au LISA : quels sont les composés organiques pour lesquels nous avons des chances réelles de détection. Les expériences en orbite nous aident à avancer dans ce sens », conclut Fabien Stalport. Ces résultats font l’objet d’une publication à paraître en juin dans le journal Astrobiology.

Pendant que UVolution tournait autour de notre planète, l’équipe de LISA, coordonnée par Hervé Cottin, maitre de conférence à l’Université Paris Est Créteil (UPEC), préparait d’autres échantillons à destination cette fois ci de la Station Spatiale Internationale. Avec des chercheurs du LATMOS (Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales), du CBM (Centre de Biophysique Moléculaire, CNRS Orléans) et d’AnBioPhy, ils ont préparé toute une série d’échantillons qui ont été exposés en orbite pour une durée beaucoup plus longue (1 an et demi), dans le cadre de deux projets sélectionnés par l’ESA. L’un de ces projets, PROCESS, est d’ailleurs déjà revenu sur Terre et ses échantillons sont en train d’être analysés. Quant à AMINO, ses échantillons séjourneront encore à l’extérieur de la Station Spatiale jusqu’au mois de septembre 2010.

Les expériences UVolution, PROCESS et AMINO ont reçu le support du Centre National d’Etudes Spatiales (CNES) pendant toute leur phase de développement et d’exploitation des données


LISA – Laboratoire Interuniversitaire des Systèmes Atmosphériques, Universités Paris Est Créteil (UPEC) – Paris Denis Diderot – CNRS – IPSL – OSU EFLUVE

Pour en savoir plus:

  • Sur le site du LISA
Référence :

Stalport, F., Guan, Y. Y., Coll, P., Szopa, C., Macari, F., Raulin, F., Chaput, D., and Cottin, H., 2010. “UV-olution, a photochemistry experiment in Low Earth Orbit”: investigation of the photostability of carboxylic acids exposed to Mars surface UV radiation conditions. Astrobiology 10, 449-461. (journal)

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