Société Française d'Exobiologie

Les ingrédients de la vie dans l'atmosphère de Titan ? Nouveau paradigme pour l’origine de la vie.

Des molécules et des lettres…

Des molécules biochimiques, les « lettres » utilisées pour écrire le code de la vie sur Terre pourraient exister sur Titan, la plus grande lune de Saturne. C’est ce qu’a démontré l’étude d’une équipe internationale menée par Sarah Hörst du Lunar and Planetary Laboratory (LPL) de l’Université d’Arizona et incluant des chercheurs de l’Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble (IPAG), du Laboratoire ATmosphères, Milieux, Observations Spatiales (LATMOS) et du Laboratoire du Génie des Procédés et Matériaux (LGPM).

Grâce à des expériences en laboratoire, les scientifiques ont conclu qu’il est possible que l’épaisse brume atmosphérique de Titan contienne les cinq bases nucléiques utilisées dans l’ADN et l’ARN, ainsi que quelques acides aminés simples, les blocs de construction des protéines.

Cela ne veut pas dire que Titan est susceptible d’accueillir des oiseaux, des poissons, ou même des microbes tels que ceux de la Terre. S’il y a de la vie sur Titan, elle utilise probablement des molécules différentes de celles que la vie sur Terre utilise, car Titan est beaucoup plus froide, avec une moyenne de -180 degrés Celsius à sa surface. De plus, la vie sur Terre est basée sur l’eau à l’état liquide, et il n’y a pas d’eau liquide permanente disponible à la surface de Titan. Bien que Titan possède des lacs, ils sont remplis d’hydrocarbures liquides.

Au lieu de cela, les résultats suggèrent une nouvelle route possible pour l’émergence de la vie terrestre, à partir de composants de l’atmosphère. L’idée populaire d’une soupe primordiale à la surface de la Terre pourrait ainsi être complétée par l’image d’une brume primordiale dans le ciel.

Les molécules de Titan synthétisées dans le laboratoire

L’étude présentée dans l’édition de Septembre 2012 du journal Astrobiology, est basée sur les résultats de la sonde spatiale Cassini-Huygens, qui étudie le système de Saturne depuis 2004. Une découverte importante a été que l’atmosphère de Titan, composée d’azote et de méthane, est alimentée par un flux constant d’oxygène en provenance d’Encelade, autre lune de Saturne, qui émet une grande quantité d’eau via des geysers. Cassini a également constaté que dans la partie supérieure de l’atmosphère de Titan (1000 kilomètres au-dessus de la surface) se forme une brume constituée d’hydrocarbures et d’espèces azotées de grande taille.

L’équipe de recherche a ainsi déterminé quels types de molécules peuvent se former lorsque de l’oxygène est présent dans la brume de Titan. En laboratoire, l’atmosphère de la lune est simulée en activant les molécules avec une énergie similaire à celle du soleil, pour produire une matière solide, appelée Tholins, qui peut ensuite être analysée par différentes méthodes telles que la spectrométrie de masse à très haute résolution (instrument Orbitrap) ou la chromatographie en phase gazeuse. Les molécules impliquées dans la mécanique de la vie sur Terre, des acides aminés et des bases d’ADN, ont été identifiées dans les spectres obtenus.

Titan, le plus gros satellite de Saturne, dont la couleur orangée l’atmosphère est formée d’une brume organique. Le petit satellite Encelade est visible au premier plan. Des geyser actifs ont été détectés à sa surface par la sonde Cassini. Crédits photo Nasa/JPL.

La vie terrestre formée dans de hautes brumes ?

Les nouveaux résultats ne signifient pas nécessairement que Titan produit ces molécules : il est impossible de reproduire parfaitement l’atmosphère de Titan en laboratoire et Cassini n’a pas la résolution pour vérifier la structure des molécules détectées dans la haute atmosphère. Mais si Titan peut produire des nucléotides et des acides aminés dans le brouillard qui l’entoure, il se peut également que l’atmosphère terrestre primordiale ait produit de telles molécules.

Le paradigme classique de l’origine de la vie sur Terre est que les molécules organiques de l’atmosphère doivent atterrir dans un bouillon d’eau liquide pour rendre les choses intéressantes. Mais il faut beaucoup d’énergie pour activer les petites molécules qui constituent l’atmosphère de la Terre ou de Titan. En surface, la seule source d’une telle énergie est la foudre, car le rayonnement énergétique du soleil ne pénètre pas assez profondément dans l’atmosphère. Si la foudre est la seule source d’énergie, des molécules sont produites sur des parties isolées de la planète. Par contre, former les molécules dans la haute atmosphère avec la lumière du soleil produit une source étendue sur toute la planète.

Avec Titan, nous pouvons étudier les processus de formation de molécules prébiotiques en temps réel ce qui est très important car il est possible que la Terre primitive ait pu avoir une brume similaire à celle de Titan. De même, il y a probablement aussi beaucoup d’exoplanètes ayant une composition chimique semblable.

Pour Titan, il faudra une nouvelle sonde avec des instruments plus sensibles, qui seront capables d’identifier ces molécules. Ceci n’arrivera pas avant longtemps. En attendant, nous pouvons étudier cette astrochimie en laboratoire.

 

Pour en savoir plus :

Formation of amino acids and nucleotide bases in a Titan atmosphere simulation experiment,  Astrobiology. September 2012, Vol. 12, No. 9: 809-817, doi:10.1089/ast.2011.0623, S.M. Hörst1,2, R.V. Yelle2, A. Buch3, N. Carrasco4, G. Cernogora4, O. Dutuit5, E. Quirico5, E. Sciamma-O’Brien6, M.A. Smith7,8, Á. Somogyi8, C. Szopa4, R. Thissen5, V. Vuitton5  

 (Article, disponibilité soumise à abonnement)

1Cooperative Institute for Research in Environmental Sciences, University of Colorado, 2Lunar and Planetary Laboratory, the University of Arizona, 3Laboratoire de Génie des Procédés et Matériaux, Ecole Centrale Paris, 4Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales, Université Versailles St-Quentin, CNRS, 5Institut de Planétologie et d’Astrophysique de Grenoble, UMR 5109, CNRS, Université J. Fourier6NASA Ames Research Center, 7College of Natural Science and Mathematics, University of Houston, 8Department of Chemistry and Biochemistry, the University of Arizona

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