Société Française d'Exobiologie

Nathalie Carrasco reçoit le prix Irène Joliot-Curie

Nathalie Carrasco, docteure en chimie, professeure des universités et directrice de l’équipe de recherche « Chimie des atmosphères ionisées » au sein du LATMOS (Laboratoire Atmosphères Milieux et Observations Spatiales, CNRS/UVSQ/UPMC), a reçu mercredi 14 septembre 2016 le prix Irène Joliot-Curie de la jeune femme scientifique de l’année  « pour ses recherches sur la réactivité atmosphérique propice à l’émergence de la vie, qui constituent un enjeu de taille pour la recherche sur les origines de la vie ».

Figure 1 : Remise de remise du prix Irène Joliot-Curie, Collège de France, 14 septembre 2016. Hélène Langevin-Joliot, docteure en physique nucléaire fondamentale et fille d’Irène Joliot-Curie, remet le prix à Nathalie Carrasco, en présence de Najat Vallaut-Belkacem.

Remise de remise du prix Irène Joliot-Curie, Collège de France, 14 septembre 2016. Hélène Langevin-Joliot, docteure en physique nucléaire fondamentale et fille d’Irène Joliot-Curie, remet le prix à Nathalie Carrasco, en présence de Najat Vallaut-Belkacem.

 

Membre de la SFE, Nathalie Carrasco nous explique l’implication de ses recherches dans le domaine de l’exobiologie:

Chimiste de formation et soucieuse de l’environnement, j’ai choisi d’étudier la réactivité des atmosphères planétaires. C’est une chimie de l’infime aux conséquences immenses, qui implique de très petites quantités de molécules réactives, de l’ordre de la partie par millions voire de la partie par milliards, dans une atmosphère composée essentiellement de molécules inertes, comme l’azote sur Terre. Ces molécules ont des effets à grande échelle de temps et d’espace sur les systèmes planétaires, abordant des questions scientifiques aussi essentielles que le climat ou l’émergence de la vie. Sur Titan, satellite de Saturne doté d’une atmosphère épaisse faite d’azote et de méthane, les réactions entre les molécules atmosphériques et le rayonnement solaire conduisent à la formation d’un brouillard photochimique orangé très abondant qui occulte complètement sa surface. Les grains solides composant ce brouillard sont d’un intérêt exobiologique extraordinaire car ils constituent les matériaux chimiques extra-terrestres parmi les plus complexes du système solaire.

Le rôle d’une chimie atmosphérique primitive pour la formation de molécules propres à la vie a été pour la première fois suggéré par le biochimiste Oparin dans les années 1920 et par les chimistes Miller et Urey quelques 30 ans plus tard, faisant émerger la théorie de la soupe primitive. L’étude de Titan a apporté une contribution significative à cette théorie de la soupe primitive. La mission Cassini-Huygens arrivée en orbite autour de Saturne en 2004 a révélé une réactivité insoupçonnée dans la haute atmosphère de Titan (Figure 1). Cette couche atmosphérique, à la limite du milieu interplanétaire, est donc à la fois très peu dense, mais aussi la plus exposée aux rayonnements solaires ultraviolet. Nous avons ainsi montré qu’une réactivité spécifique à cette couche atmosphérique de haute altitude conduisait à la formation de molécules prébiotiques. Ces travaux révèlent une chimie aux origines de la vie dans une couche atmosphérique jusqu’alors négligée.

Figure 1 : Brume de Titan vue par Cassini. Credit: NASA / JPL / Space Science Institute

Figure 1 : Brume de Titan vue par Cassini. Credit: NASA / JPL / Space Science Institute

En 2015 j’ai été sélectionnée par le conseil européen de la recherche pour le projet ERC starting Grant PRIMCHEM « primitive chemistry in planetary upper atmospheres ». Avec mon équipe au laboratoire LATMOS nous allons ainsi étudier les conséquences de la chimie prébiotique à haute altitude sur le reste de l’atmosphère et ce jusqu’à la surface, en commençant par l’objet d’étude Titan. Pour ce faire, nous développons des outils originaux d’expérimentation de laboratoire en synergie avec l’instrumentation spatiale (Figure 2). Notre plateforme de simulation des atmosphères planétaires, nommée ATMOSIM, est composée de deux réacteurs indépendants (technologies plasma pour le réacteur PAMPRE et photochimie pour le réacteur APSIS) dotés de diagnostiques similaires ou supérieurs technologiquement aux instruments de la mission Cassini-Huygens. Avec ces outils, nous aidons l’interprétation des données de la mission Cassini-Huygens et participons à la préparation de l’instrumentation de futures missions spatiales.

Figure 2 : Expériences de simulation de la haute atmosphère de Titan menées au synchrotron SOLEIL avec le réacteur photochimique APSIS : Ludovic Vettier, Lisseth Gavilan, David Dubois.

Figure 2 : Expériences de simulation de la haute atmosphère de Titan menées au synchrotron SOLEIL avec le réacteur photochimique APSIS : Ludovic Vettier, Lisseth Gavilan, David Dubois.

 

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