Société Française d'Exobiologie

Rechercher l'homochiralité : rechercher la vie...

Par Caroline Freissinet, Doctorante LISA/ECP

La recherche de vie extraterrestre est devenue un des enjeux majeurs des prochaines explorations spatiales. La première étape de cette quête est donc de définir ce que l’on appelle vie et de déterminer quels pourraient être les indices de cette vie. La seconde étape sera l’analyse, la recherche proprement dite de ces indices de vie, in situ.

Une des difficultés à identifier des traces de vie est précisément le manque de connaissance sur ce que nous devrions chercher. Pour élaborer des instruments capables de chercher des traces de vie, il est donc obligatoire de faire une comparaison avec les biomarqueurs ou bioindicateurs organiques terrestres, des composés ou caractéristiques qui nous révèleraient de manière sûre ou sous forme d’indices la présence d’une vie passée ou présente. Même si la vie n’est pas définie de manière universelle, nous sommes capables d’en déterminer ce qui la caractérise, au moins pour celle que nous connaissons.

Une des caractéristiques du vivant les plus universelles est l’homochiralité. Universelle dans le sens où elle pourrait s’appliquer à une forme de vie basée sur d’autres molécules que celles connues sur Terre. L’homochiralité est la particularité qu’ont certaines molécules à n’exister que sous une seule des deux formes énantiomériques possibles dans certains systèmes. L’énantiomérie est une isomérie optique, le fait qu’une même molécule possédant un carbone asymétrique existe sous deux formes, non superposables mais symétriques l’une de l’autre dans un miroir. Bien qu’ayant une même formule brute et les mêmes fonctions, les deux énantiomères peuvent posséder des propriétés physiques, chimiques et biologiques radicalement différentes. Lorsque ces molécules sont impliquées dans des polymères du vivant, une seule de ces deux formes est utilisée. C’est ce que l’on nomme homochiralité du vivant. Elle s’applique pour les acides nucléiques, monomère de l’ADN, où seule la forme D du ribose est utilisée, pour les acides carboxyliques, produits de dégradation des acides gras, et pour les acides aminés, monomères des protéines, qui ne se retrouve que sous forme L dans (presque) tous les systèmes vivants connus. Une recherche de ces molécules organiques et de leur forme énantiomérique dans un environnement extraterrestre semble donc une méthode très pertinente pour la recherche de traces de vie extraterrestre.

Dans le cadre des futures missions spatiales dédiées à la recherche de ces traces de vie, telle Exomars en 2018, nous avons développé une technique intégrale d’analyse des molécules organiques chirales.

Cette étude implique trois étapes ; extraction-dérivatisation-analyse des molécules d’intérêt, en premier lieu les 20 acides aminés du vivant. Nous avons optimisé dans un premier temps les étapes de dérivatisation et d’analyse en chromatographie gazeuse couplée à une spectrométrie de masse (GC-MS). La dérivatisation est une étape nécessaire, permettant aux molécules réfractaires que sont les acides aminés de pouvoir être analysés en GC. Pour cela, nous utilisons un agent de dérivatisation qui permet de conserver le centre chiral des molécules cibles ; le diméthyl-formamide diméthylacétal (DMF-DMA).

Ce travail montre qu’en plus de ses qualités intrinsèques tels qu’un faible poids moléculaire et une grande résistance à des conditions opératoires drastiques, le DMF-DMA permet une dérivatisation simple et rapide, pertinente pour une analyse spatiale étant données les contraintes des missions spatiales. La mesure des limites de détection montre que la méthode proposée est appropriée pour une analyse quantitative des énantiomères de nombreux acides aminés, puisque la limite de détection est inférieure au ppb, quantité qui a été déterminée pour ces molécules d’intérêt dans des météorites martiennes.

Pour en savoir plus :

C. Freissinet, A. Buch, R. Sternberg et al., Search for evidence of life in space: Analysis of enantiomeric organic molecules by N,N-dimethylformamide dimethylacetal derivative dependant Gas Chromatography-Mass Spectrometry, Journal of Chromatography A, 1217 (2010) 731-740. (science direct)

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