Société Française d'Exobiologie

Cyanobactéries et biominéralisation : pourquoi la biodiversité compte pour les minéralogistes

Source : Actualités du CNRS-INSU

Une grande diversité de souches de cyanobactéries de la collection de l’Institut Pasteur a été réétudiée par microscopie électronique. L’étude menée sous la direction de chercheurs de l’Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux, et de Cosmochimie (UPMC, CNRS, MNHN, IRD) en collaboration avec l’Institut Pasteur, l’Unité d’Ecologie, Systématique et Evolution (CNRS, Université Paris-Sud) et le département d’écologie et des ressources naturelles de l’université nationale autonome du Mexique révèle que plusieurs d’entre elles sont capables de former des minéraux de carbonates de calcium à l’intérieur de leurs cellules alors que l’on pensait ce processus très rare jusqu’ici. Ce type de biominéralisation est répandu phylogénétiquement, ainsi que géographiquement et a pu être important il y a plusieurs milliards d’années. Cette découverte a d’importantes implications sur l’histoire évolutive de la formation de minéraux par les microorganismes ; elle est publiée dans PNAS le 7 juillet 2014.

 

Image STEM en champ sombre de cellules de la souche Synechococcus sp. PCC 6716. Les inclusions de carbonate de calcium apparaissent en clair, aux pôles des cellules. Les inclusions plus sombres sont des polyphosphates. © Karim Benzerara.

Les cyanobactéries sont des bactéries extrêmement abondantes et répandues à la surface de la Terre, aujourd’hui et probablement depuis presque 3 milliards d’années. Elles sont très étudiées car, capables de photosynthèse, elles ont induit l’oxygénation de l’atmosphère terrestre et ont joué un rôle majeur dans le cycle global du carbone. Elles ont aussi grandement participé à la formation de nombreux  dépôts carbonatés au cours des temps géologiques mais les mécanismes de cette participation restent encore mal connus. Récemment, une équipe française découvrait dans un lac de cratère mexicain une nouvelle espèce de cyanobactérie capable de former des carbonates à l’intérieur de ses cellules, remettant en question la vision classique d’une formation purement indirecte et extracellulaire. L’ampleur de ce processus de biominéralisation restait cependant à évaluer.


Image STEM en champ sombre de la souche Cyanothece sp. PCC 7425. © Karim Benzerara.


Des travaux publiés dans PNAS viennent d’apporter une réponse. Les scientifiques ont recherché par microscopie électronique des carbonates de calcium intracellulaires dans près de 70 souches de cyanobactéries maintenues en culture notamment au sein de la collection de cyanobactéries de l’institut Pasteur. Ils ont ainsi découvert 7 nouvelles souches capables de former des carbonates intracellulaires. Ces bactéries ont été isolées à partir de sources chaudes des Etats Unis ou du Japon, d’un sol en Allemagne ou d’une rizière au Sénégal, suggérant que le processus est répandu géographiquement et dans des environnements très divers. Ils ont de plus découvert que la formation de carbonates intracellulaires est en relation avec la division cellulaire chez certaines de ces espèces qui forment un groupe  phylogénétique distinct dont l’ancêtre devait donc déjà former des carbonates à l’intérieur de la cellule il y a plus de 2 milliards d’années. La formation intracellulaire de carbonates existait très probablement déjà chez l’ancêtre commun de ce groupe de cyanobactéries qui pourrait avoir plus de 2 milliards d’années. Au final, ce mode de formation de minéraux par les cyanobactéries, ignoré jusque-là est répandu géographiquement, phylogénétiquement et au cours des temps géologiques.


Cartographie chimique élémentaire obtenue par EDXS sur des cellules de la souche Candidatus Gloeomargarita lithophora D10 montrant en bleu le carbone, en rouge le calcium et en vert le phosphore. Les images ont été acquises à l’aide d’un JEOL 2100F à l’IMPMC. Les barres d’échelle sont de 1 micromètre. © Karim Benzerara.


Pour en savoir plus :

Intracellular Ca-carbonate biomineralization is widespread in cyanobacteria. Karim Benzeraraa, Feriel Skouri-Paneta, Jinhua Lia, Céline Férarda, Muriel Guggerb, Thierry Laurentb, Estelle Couradeaua,c, Marie Ragona,c, Julie Cosmidisa, Nicolas Menguya, Isabel Margaret-Olivera, Rosaluz Taverad, Purificacion Lopez-Garciac, David Moreirac
a – Institut de Minéralogie, de Physique des Matériaux, et de Cosmochimie (UPMC, CNRS, MNHN, IRD)
b – Institut Pasteur, Collection des Cyanobactéries
c – Unité d’Ecologie, Systématique et Evolution (CNRS, Université Paris-Sud)
d – Departamento de Ecología y Recursos Naturales, Universidad Nacional Autónoma de México, México

Aucun commentaire sur l'article Cyanobactéries et biominéralisation : pourquoi la biodiversité compte pour les minéralogistes

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.